Historique du camp de Bergen-Belsen

Auteur : Janine Doerry, docteur en histoire (Dr. des.), Université de Hanovre.
Axes de recherche : le national-socialisme et la mémoire des persécutions.
Sa thèse porte sur « Les protégés du Maréchal ? Les prisonniers de guerre juifs de France et leurs familles pendant la Deuxième Guerre mondiale ».

Plusieurs aspects de la Seconde Guerre mondiale et de la politique nationale-socialiste de persécution et d’anéantissement se retrouvent dans l’histoire des différents camps situés à Bergen-Belsen : la captivité des prisonniers de guerre, la détention des déportés dans le camp de concentration et, après la libération, la situation des rescapés au Displaced Persons Camp (camp de personnes déplacées).

Situation géographique et origines

Le camp de Bergen-Belsen se trouve dans le sud de la lande Basse-Saxonne, à 50 km au nord de Hanovre et 80 km au sud de Hambourg, au sud-est de Brême à vol d’oiseau. Il est situé au bord du terrain d’exercice militaire de Bergen aménagé à partir de 1935 dans le cadre du réarmement allemand. Initialement, il ne s’agit pas d’un camp, mais de baraquements pour ouvriers du bâtiment travaillant sur le chantier de la caserne de Bergen-Hohne.

Après la fin des travaux au camp militaire de Bergen en 1938, les baraquements servent de dépôt d’armes à l’armée allemande. À une distance de quelques kilomètres, près de la ville de Bergen, se trouve une rampe d’accès du chemin de fer desservant le terrain d’exercice militaire. En 1940, l’armée allemande aménage un camp de prisonniers de guerre dans les baraquements situés à Bergen-Belsen. La rampe d’accès devient le lieu d’arrivée et de départ de nombreux convois, d’abord de prisonniers de guerre, ensuite de déportés.

Le camp de prisonniers de guerre (1940-1945)

De l’automne 1940 au printemps 1941, l’armée allemande détient des prisonniers de guerre français et belges au camp de Bergen-Belsen. Ces prisonniers de guerre forment le détachement 601 du camp XI B pour hommes de troupe et sous-officiers. Généralement, les prisonniers de guerre français et belges de 1939/40 sont traités dans le respect des Conventions de Genève de 1929.

Au printemps 1941, lors des préparatifs de l’attaque contre l’Union Soviétique, l’armée allemande agrandit considérablement le camp et transforme Bergen-Belsen en camp de prisonniers indépendant XI C (311).

Après l’attaque contre l’Union Soviétique, plus de 21 000 prisonniers de guerre sont conduits à Bergen-Belsen, mais des baraques et sanitaires ainsi que des vivres et soins manquent. Dans la seule période de juillet 1941 à avril 1942, 14 000 prisonniers y meurent à cause de la famine, des maladies et du froid. Concernant les soldats soviétiques, l’armée allemande refuse de respecter les conventions internationales sur le traitement des prisonniers de guerre. De plus, les soldats juifs et les fonctionnaires communistes sont isolés à Bergen-Belsen et transférés au camp de concentration de Sachsenhausen afin d’y être assassinés. Le contraste entre le traitement des prisonniers de guerre français et belges, venant de l’Ouest de l’Europe, et l’hécatombe des prisonniers soviétiques venant de l’Est, révèle un aspect important de l’idéologie nationale-socialiste : la hiérarchie ‘raciale’ et le traitement des êtres humains qu’elle considère comme des ‘sous-hommes’.

En juin 1943, le camp XI C (311) est transformé en hôpital militaire dépendant du camp XI B. L’armée allemande en cède la moitié à la SS. L’Office central de l’administration de l’économie, SS-WVHA, y aménage le camp de concentration, de sorte que l’hôpital militaire et le camp de concentration de Bergen-Belsen coexistent jusqu’en janvier 1945. A ce moment, l’armée allemande transfert les prisonniers de guerre et internés militaires dans d’autres camps de prisonniers de guerre. En raison du surpeuplement du camp de concentration, le SS-WVHA reprend la totalité du camp.

En plus des 14 000 prisonniers de guerre soviétiques morts pendant l’hiver 1941/1942 au camp XI C (311), 5 500 prisonniers de guerre soviétiques sont décédés à l’hôpital militaire de Bergen-Belsen entre avril 1942 et janvier 1945.

Outre les soldats soviétiques, des internés militaires italiens auxquels les allemands refusent le statut de prisonniers de guerre après la capitulation italienne en septembre 1943, sont transférés à Bergen-Belsen. Puisque l’Allemagne nationale-socialiste les considère comme des traitres, leur traitement est aussi mauvais que celui des prisonniers soviétiques, sans pour autant être motivé par l’idéologie raciale. Entre juillet 1944 et janvier 1945, 142 internés militaires italiens sont morts à l’hôpital militaire de Bergen-Belsen.

A l’automne 1944, des prisonniers de guerre polonais, hommes et femmes, combattants du soulèvement national-polonais de Varsovie arrivent également à l’hôpital militaire de Bergen-Belsen. Contrairement aux soldats soviétiques et italiens, les Polonais et Polonaises capturés en 1944 sont, parfois seulement après leur protestation contre des infractions allemandes, traités dans le respect de la Convention de Genève de 1929.

Le camp de concentration (1943-1945)

Dès sa création en avril 1943, le camp de concentration de Bergen-Belsen fait partie intégrante du système concentrationnaire. Le camp se distingue toutefois, à bien des égards, de tous les autres camps de concentration durant les trois périodes de son existence.

Durant la première période, Bergen-Belsen sert en premier lieu de camp de rassemblement d’otages juifs, dit ‘camp de séjour pour juifs d’échange’, ‘camp de l’échange’ en bref.
Il s’agit d’hommes, femmes et enfants juifs que les Nationaux-Socialistes comptent échanger contre des ressortissants allemands internés dans des pays ennemis.

La deuxième période est liée au travail forcé des déportés dans l’industrie de guerre allemande. A partir de fin mars 1944, des hommes et à partir de mi-août 1944 des femmes, destinés à servir de main d’œuvre concentrationnaire sont transférés à Bergen-Belsen. Les hommes arrivant à Bergen-Belsen sont considérés comme momentanément inaptes au travail, tandis que les femmes doivent être transférées dans des camps de travail forcé de l’industrie de guerre allemande.

L’évolution pendant la troisième période du camp de concentration de Bergen-Belsen résulte de l’évacuation du centre de mise à mort d’Auschwitz et des camps de concentration et détachements de travail proche du front.

Début décembre 1944, l’évacuation du camp d’Auschwitz-Birkenau commence, et son commandant Joseph Kramer est nommé commandant du camp de concentration de Bergen-Belsen. Avec Kramer, une partie du personnel SS d’Auschwitz-Birkenau prend ses fonctions à Bergen-Belsen. En même temps, des milliers de déportés évacués commencent à arriver à Bergen-Belsen, camp beaucoup trop petit pour recevoir tous ces hommes, femmes et même enfants.

Enfin, l’évacuation d’autres camps de concentration et détachements de travail proche du front et les marches de la mort conduisent encore des milliers de déportés au camp qui se transforme en mouroir. Le 15 avril 1945, le camp est libéré par des troupes britanniques.

Le « camp de l’échange » (1943-1945)

Lors de sa fondation en 1943, le camp n’est pas conçu comme un camp d’extermination ou un camp de travail, mais comme une réserve d’otages. Les Nationaux-Socialistes y détiennent des Juifs qu’ils comptent échanger contre des ressortissants allemands internés à l’étranger ennemi, contre de l’argent ou encore contre des marchandises. De plus, des Juifs ressortissants de pays neutres, proches ou alliés de l’Allemagne sont amenés à Bergen-Belsen afin d’être libérés pour éviter des conflits avec leur pays d’origine.

Sous la direction d’Heinrich Himmler, Chef de la SS et de la police allemande, le SS-WVHA et l’office central de la sécurité du Reich (RSHA) sont en charge du camp de concentration de Bergen-Belsen. En plus de la SS, le ministère des affaires étrangères est également impliqué dans les négociations sur les otages juifs détenus à Bergen-Belsen.

Lors de la création du ‘camp de l’échange’ les Nationaux-Socialistes parlent d’un camp d’internés civils. Or, lorsqu’ils constatent que la Croix-Rouge internationale a le droit de visiter les camps d’internés civils, ils le désignent : ‘camp de séjour de Bergen-Belsen’, afin d’éviter son contrôle, tout en sauvegardant les apparences. Ainsi, les otages juifs ne bénéficient plus de la protection de la Convention de Genève, comme la totalité des détenus des camps de concentration.

Entre 1943 et 1945, 14 600 hommes, femmes et enfants juifs qui espèrent pouvoir partir en Palestine ou vers des pays neutres arrivent au ‘camp de l’échange’. Ces otages juifs sont repartis dans différentes sections du ‘camp de l’échange’ selon leur nationalité et selon la possibilité d’échange ou de libération. Ainsi, des Juifs polonais disposant de certificats leur permettant d’émigrer en Palestine, ou des Juifs de nationalité nord- ou sud-américaine sont détenus dans le ‘camp spécial’. Puisqu’ils sont au courant de l’anéantissement des Juifs en Pologne, ils sont isolés des autres ‘Juifs d’échange’, pour éviter que ces nouvelles se répandent à Bergen-Belsen.

Dans le ‘camp des neutres’ se trouvent des Juifs susceptibles d’être relâchés vers des pays neutres. Il s’agit de ressortissants espagnols et portugais amenés de Grèce à Bergen-Belsen ainsi que des Juifs turcs. Des Juifs venant de Hongrie sont enfermés dans le camp des Hongrois, parmi eux un groupe dont le départ de Bergen-Belsen en Suisse en août 1944 et en décembre 1944 est négocié par le sioniste hongrois Rudolf Kasztner avec les SS.
D’autres Juifs venant de Grèce, des Pays-Bas, de l’Afrique du Nord, de France, de Yougoslavie et d’Albanie sont rassemblés au ‘camp de l’étoile’. Il s’agit de la plus grande section du ‘camp de l’échange’, nommé ainsi parce que les détenus sont obligés de porter l’étoile jaune sur leurs vêtements civils.

A la différence des autres Juifs du ‘camp de l’étoile’, 258 internés du camp de Drancy en France sont déportés à Bergen-Belsen soit en tant que personnalité-otage, soit en tant que femme ou enfant d’un prisonnier de guerre français. Parmi les 167 femmes de prisonnier de guerre, 42 sont déportées avec un ou plusieurs de leurs enfants. Mais parmi les 77 enfants de prisonnier de guerre à Bergen-Belsen, il y a 15 enfants déportés sans leur mère. En plus, l’une des femmes de prisonnier de guerre, arrêtée au tout début de sa grossesse, accouche d’une fille au ‘camp de l’étoile’ de Bergen-Belsen même.

Finalement, seuls 2 560 otages juifs de Bergen-Belsen seront mis en liberté, tandis que 2 150 autres seront assassinés après avoir été transférés au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Malgré leur statut d’otages, 1 400 déportés meurent au ‘camp de l’échange’ de Bergen-Belsen.

Dans toutes les sections du ‘camp de l’échange’, les conditions d’existence sont moins dures que dans d’autres camps de concentration, puisque les détenus sont considérés comme des otages.

Souvent, plusieurs membres d’une même famille se trouvent au ‘camp de l’échange’. Les hommes et les femmes sont hébergés dans des baraques séparées, mais peuvent passer du temps ensemble dans la journée. Les enfants restent dans les baraques des femmes, mais à partir de 15 ans, les garçons sont obligés de vivre dans les baraques des hommes.

Jusqu’en décembre 1944, les ‘Juifs d’échange’ ne sont pas directement soumis à un régime concentrationnaire, mais les hommes SS ne respectent pas toujours l’interdiction de maltraiter les otages. Souvent, ils sont privés de pain ou obligés de passer de longues heures à l’appel. Ces brimades sont d’autant plus dures que la nourriture est insuffisante. Les conditions d’existence ne sont pas exactement les mêmes dans les différentes sections du camp de l’échange. Ainsi, les détenus du camp de l’étoile sont obligés de travailler dans les cuisines du camp de l’échange, dans le ‘kommando des chaussures’ chargé de la récupération du cuir encore utilisable ou dans le ‘kommando des souches’ déterrant des racines d’arbres en tant que bois de chauffage.

Lorsque Joseph Kramer prend ses fonctions de commandant du camp de concentration de Bergen-Belsen, les conditions d’existence des ‘Juifs d’échange’ commencent à ressembler au régime concentrationnaire. Des Kapos, détenus chargés de certaines fonctions par la SS, remplacent l’autogestion juive dans les différentes sections du camp de l’échange, et les conditions d’existence, précaires dès la création du camp, se dégradent de plus en plus.

La transformation du camp (1944-1945)

Dès avril 1943, un petit groupe de détenus non-juifs se trouve dans une section à part du camp de concentration de Bergen-Belsen. Ces 520 hommes forment un ‘kommando de construction’ chargé d’aménager le futur ‘camp de l’échange’. En début de l’année 1944, les détenus survivants de ce kommando sont transférés dans d’autres camps de concentration.

A partir du printemps 1944, le camp de concentration de Bergen-Belsen se transforme. Cette évolution s’inscrit dans le changement de la structure des camps de concentration, suite à l’extension du système des camps annexes et aux transferts de déportés destinés au travail forcé durant la dernière phase de la seconde guerre mondiale.

Le camp des hommes (à partir de fin mars 1944)

À partir de mars 1944, une nouvelle section du camp, le ‘camp des hommes’, est aménagée afin d’héberger des déportés malades et affaiblis en provenance de différents camps de concentration. Dans le premier convoi arrivé le 27 mars 1944, se trouvent mille détenus non-juifs dont la moitié meurt après quatre semaines. Les détenus du ‘camp des hommes’ sont livrés à l’arbitraire de la SS. Ils souffrent de négligence systématique, de faim, de maladies et de sévices, beaucoup d’entre eux sont assassinés et des milliers meurent de faim, d’épuisement, de manque de soins médicaux et de violences.

Par ordre de la SS, le détenu-infirmier allemand Karl Rothe tue au moins 200 déportés par des injections de phénol en été 1944. Entre mars et novembre 1944, 4 500 hommes arrivent au camp des hommes, dont 400 sont transférés de Bergen-Belsen dans d’autres camps de concentration.

Le camp des femmes (à partir d’août 1944)

Dès la fin de l’été 1944, des milliers de femmes arrivent à Bergen-Belsen. Ces déportées sont parquées dans le ‘camp des femmes’ avant leur transfert dans des camps de travail forcé. Il s’agit surtout de femmes non-juives et juives polonaises et de femmes juives hongroises, mais également de quelques déportées juives de France ou des Pays-Bas. Au moins 9 000 femmes arrivent au camp des femmes entre août et novembre 1944. La plupart de ces femmes sont transférées dans des camps annexes d’autres camps de concentration, par exemple à Raguhn, camp de travail forcé dépendant de Buchenwald.

Certaines femmes, par exemple Anne et Margot Frank, sont détenues à Bergen-Belsen, mais elles ne sont pas transférées dans un camp de travail. Elles restent à Bergen-Belsen où Anne et Margot et des milliers d’autres meurent du typhus au printemps 1945.

Près d’usines d’armement, la SS crée trois camps annexes du camp de concentration de Bergen-Belsen. Près de 2 000 femmes déportées sont astreintes au travail forcé dans ces camps annexes à Bomlitz-Benefeld, Hambühren-Ovelgönne et Unterlüß-Altensothrieth.

De plus, des déportées considérées comme inaptes au travail sont transférées au camp des femmes de Bergen-Belsen. Parmi elles se trouvent des femmes enceintes au moment de leur arrestation mais dont l’état de grossesse n’est découvert que tardivement. Ces femmes ne reçoivent pas de soins spécifiques, et la plupart d’entre elles met au monde un enfant mort-né ou meurt elle-même au moment de l’accouchement. Seulement quelques rares bébés nés dans les semaines avant la libération et leurs mères survivent à l’hécatombe de Bergen-Belsen.

Le camp de rassemblement (de décembre 1944 à avril 1945)

Le système concentrationnaire se transforme également du fait des transferts d’évacuation et finalement des ‘marches de la mort’. À partir de décembre 1944, le camp de concentration de Bergen-Belsen est la destination des convois d’évacuation d’autres camps de concentration, entre autres celui d’Auschwitz. Bergen-Belsen devient alors un ‘camp de rassemblement’ : 85 000 déportés arrivent et au moins 35 000 déportés meurent à Bergen-Belsen entre décembre 1944 et avril 1945.

A l’intérieur du camp, les différentes sections : le ‘camp de l’échange’, le ‘camp des hommes’ et le ‘camp des femmes’ subsistent. Les derniers mois avant la libération sont marqués par une situation dramatique. Le surpeuplement, le manque d’approvisionnement et les épidémies conduisent, après l’hécatombe des prisonniers de guerre en 1941/42, à l’hécatombe des déportés de Bergen-Belsen en 1945.

En raison du surpeuplement du camp de concentration, les forces armées allemandes dissolvent l’hôpital militaire pour prisonniers de guerre au début de l’année 1945. La SS reprend cette partie du camp principal afin d’y rassembler des milliers de femmes et enfants déportés.

Début avril 1945, une partie de la caserne de Bergen-Hohne proche du camp principal sert à détenir des déportés arrivés une semaine avant la libération. Il s’agit de 15 000 hommes arrivés du camp de concentration de Dora-Mittelbau.

En même temps, les 6 700 otages juifs qui se trouvent encore au ‘camp de l’échange’ de Bergen-Belsen sont transférés par trois convois vers le camp de concentration de Theresienstadt.

Un seul convoi arrive à destination, tandis que deux autres sont libérés en cours de route, l’un par des troupes américaines à Farsleben près de Magdebourg, l’autre par des troupes soviétiques à Tröbitz près de Torgau.

En plus des otages juifs morts au camp de Bergen-Belsen, plusieurs centaines de ces déportés sont morts durant les transferts ou après leur libération. Parmi ces otages morts se trouvent 26 hommes, femmes et enfants français.

Les autres otages français sont presque tous libérés à Tröbitz, parmi eux le bébé né à Bergen-Belsen et sa mère.

La libération

Lorsque le front s’approche de Bergen-Belsen en avril 1945, les forces armées allemandes et les SS rendent le camp de concentration à l’armée britannique. Le but de cette reddition qui se déroule dans le cadre d’un accord d’armistice local, est d’éviter que les épidémies ne se répandent à l’extérieur du camp. Bien que les troupes britanniques ne soient aucunement préparées à ce qu’elles doivent affronter, elles s’appliquent immédiatement à organiser les premiers soins aux déportés et aménagent plusieurs hôpitaux d’urgence pour les survivants. Ainsi, la caserne de Bergen-Hohne proche du camp principal sert d’hôpital improvisé pour les déportés.

Trois jours après la libération, une unité de photographes et d’opérateurs britanniques commence à photographier et à filmer le camp. C’est au travers de ces images que Bergen-Belsen façonnera l’image générale des camps de concentration nationaux-socialistes dans le monde entier.

Les troupes britanniques prennent les déportés en charge, leur apportent les premiers soins et  capturent les SS du camp. Les déportés encore valides essaient également de s’organiser. Ainsi, des rescapés français établissent des listes de survivants afin de donner un signe de vie à leur famille en France.

Juste avant la reddition du territoire du camp de concentration aux forces britanniques, les SS réussissent à détruire tous les registres du camp. Plus de 120 000 détenus ont été internés au camp de concentration au cours des deux années de son existence, mais on ne connait qu’un peu plus de 50 000 noms de détenus à Bergen-Belsen. Plusieurs milliers de détenus étant transférés dans d’autres camps, il se trouvait jusqu’à 60 000 déportés en même temps à Bergen-Belsen.

Parmi les 120 000 détenus à Bergen-Belsen, 52 000, au moins, sont morts de la faim, de maladies et de la violence des SS avant ou au bout de quelques mois après leur libération.

Entre avril 1943 et avril 1945, le personnel SS du camp de concentration de Bergen-Belsen comptait au moins 480 personnes en tout, dont environ 45 femmes désignées : surveillantes. Seize hommes SS et seize surveillantes sont accusés lors du premier procès de Bergen-Belsen qui se déroule à Lunebourg entre le 17 septembre et le 17 novembre 1945. Le commandant du camp, Joseph Kramer, sept autres hommes SS et trois surveillantes sont condamnés à mort, tandis que d’autres reçoivent de peines de prison ou sont acquittés faute de preuves. Huit Kapos de Bergen-Belsen sont également condamnés à des peines de prison.

Le camp des personnes déplacées (1945-1950)

Après la libération, un camp pour personnes déplacées, des Juifs et des Polonais non-juifs, voit le jour dans la caserne de Bergen-Hohne, à proximité de l’ancien camp de concentration. Le statut de personne déplacée est d’abord attribué à tous les détenus des camps de concentration, prisonniers de guerre ou travailleurs forcés transférés en Allemagne durant la guerre. Mais, à la différence des Français, d’autres groupes de personnes déplacées, notamment ceux de l’Europe orientale, ne sont pas rapatriés au bout de quelques semaines, voire de quelques mois. À Bergen-Belsen, la partie du camp de personnes déplacées réservée aux Polonais non-juifs existe jusqu’à l’automne 1946, tandis que la partie réservée aux Juifs reste sur place jusqu’à 1950. Bergen-Belsen devient alors le plus grand camp de personnes déplacées juives de l’Allemagne, hébergeant jusqu’à 12 000 rescapés de la Shoah en attente de pouvoir émigrer.

Résumé

L’histoire des prisonniers de guerre et des déportés de Bergen-Belsen ne peut tenter de s’expliquer sans faire référence à la guerre d’extermination allemande contre l’Union soviétique et à la phase finale de la seconde guerre mondiale. L’existence d’un camp de prisonniers de guerre et d’un camp de concentration, l’un directement à côté de l’autre, est une spécificité de Bergen-Belsen. L’hécatombe de 19 500 prisonniers de guerre soviétiques dès 1941 précède celle de 52 000 déportés en 1944-1945.

La déportation des otages juifs au ‘camp de l’échange’ de Bergen-Belsen constitue un cas exceptionnel dans lequel d’autres fins du projet national-socialiste priment sur celle de détruire les Juifs d’Europe. Mais à partir de 1944, le camp de Bergen-Belsen se transforme, suite à l’utilisation de la main d’œuvre des déportés juifs et non-juifs dans l’industrie de guerre allemande et à l’évacuation des camps de concentration et des camps annexes face à l’avancée des troupes alliées.

Bergen-Belsen est un lieu de la politique d’anéantissement nationale-socialiste sans être un camp d’extermination ou un lieu d’exécutions massives par fusillades. À la différence d’Auschwitz-Birkenau et d’autres centres de mise à mort, les déportés de Bergen-Belsen ne meurent pas dans des chambres à gaz, mais suite à la négligence systématique, à l’arbitraire et aux violences des SS.