Historique du Mémorial de Bergen-Belsen

Auteur : Janine Doerry, docteur en histoire (Dr. des.), Université de Hanovre.
Axes de recherche : le national-socialisme et la mémoire des persécutions.
Sa thèse porte sur « Les protégés du Maréchal ? Les prisonniers de guerre juifs de France et leurs familles pendant la Deuxième Guerre mondiale ».

Le Mémorial de Bergen-Belsen

Bergen-Belsen est, depuis 1945, un lieu du souvenir de portée internationale. Le Mémorial comprend aujourd’hui la surface entière occupée par l’ancien camp. Sur le terrain, des monuments commémoratifs de l’après-guerre rappellent que plus de 52 000 personnes ont péri dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Dans le cimetière des prisonniers de guerre soviétiques, un monument rend hommage aux 19 500 soldats soviétiques morts en captivité allemande à Bergen-Belsen et enterrés dans des fosses communes.

La fondation Mémoriaux de Basse-Saxe, créée en 2004, est en charge du Mémorial de Bergen-Belsen. Puisqu’il s’agit d’un lieu d’importance nationale et internationale, le Mémorial bénéficie du financement institutionnel de la République Fédérale d’Allemagne depuis 2009.

Historique du Mémorial

Dès la libération, une partie du camp de concentration est transformée en cimetière. Sur cette partie des lieux, les baraquements sont soit brûlés soit détruits, de sorte qu’il reste surtout des fosses communes auxquelles s’ajoutent des monuments commémoratifs. Le four crématoire du camp de concentration est également démonté.

Entre les tumulus qui couvrent les charniers, les rescapés créent des monuments dès 1945. D’une part, il s’agit d’une croix en bois érigée le 2 novembre 1945, le Jour des Morts, par des rescapés catholiques polonais, d’autre part, du moment juif inauguré lors du premier anniversaire de la libération le 16 avril 1946. Ces monuments représentent chacun un groupe important de Displaced Persons (personnes déplacées) libérées à Bergen-Belsen. De plus, ils ont chacun une portée religieuse et politique : Lors de l’érection de la croix, placée sur le lieu le plus élevé de l’ancien terrain du camp et dominant la plaine, un service œcuménique est célébré. Le placement du monument dans un endroit central entre les fosses communes les plus importantes y est en quelque sorte une réponse. De plus, le texte – hébreu et anglais – sur le monument juif fait allusion à Israël avant que le pays n’existe sous forme d’État :

« Qu’Israël et le monde entier se souviennent / des trente mille Juifs / exterminés au camp de concentration / de Bergen-Belsen / par les mains meurtrières des nazis / Terre ne couvre jamais le sang / versé sur toi ! / Ce premier anniversaire de la libération / le 15 avril 1946 / le 14 nissan 5706 / Comité Central Juif / Zone Britannique »

En effet, un membre du Comité central juif en zone d’occupation britannique, représentant des milliers de personnes déplacées juives, demande d’ouvrir les portes de la Palestine dans son discours prononcé lors du premier anniversaire de leur libération.

Après plusieurs années de débat sur la conception du Mémorial, la construction du monument central à la mémoire de tous les déportés du camp de concentration de Bergen-Belsen commence en 1948. Il s’agit d’un obélisque et d’un mur d’inscriptions déclinées dans les langues des déportés de différents pays. L’inauguration officielle du Mémorial de Bergen-Belsen a lieu le 30 novembre 1952. La cérémonie en présence du président de la République Fédérale Allemande, Theodor Heuss, et du Président du Congrès Juif Mondial, Nahum Goldmann, attire l’attention de la presse internationale. En même temps, le Land de Basse-Saxe prend en charge l’entretien du Mémorial de Bergen-Belsen.

En 1982, une inscription pour les Sintis est rajoutée sur le mur d’inscriptions, par suite de protestations contre leur discrimination persistante et leur non-représentation sur les lieux. Lors d’une grande manifestation sur le site du Mémorial de Bergen-Belsen en 1979, Simone Veil née Jacob, rescapée juive française de Bergen-Belsen qui vient d’être élue comme présidente du parlement européen, soutient la demande de reconnaissance du génocide des Sintis et Roms et d’égalité de traitement de ces minorité toujours discriminées.

Depuis 1999, à la différence des inscriptions nationales sur le mur d’inscriptions, une plaque déposée devant le monument rend hommage aux déportés selon les différents groupes de persécutés :

« Nous commémorons les hommes, / femmes et enfants venant de nombreux pays / détenus et tués / au camp de concentration de Bergen-Belsen / Opposants politiques / du national-socialisme / Juifs / Sintis et Roms / Homosexuels / Victimes d’une justice pervertie / Nous commémorons / les soldats qui ont péri dans le camp de prisonniers de guerre / venant de l’Union Soviétique et d’autres pays / 1999. »

Entre 1957 et 1969, un conflit entre la mémoire française de tradition républicaine et la mémoire juive oppose différents groupes de rescapés. L’exhumation prévue de corps de déportés français morts dans l’hôpital improvisé après la libération par les troupes britanniques est au cœur de ce conflit. Ces déportés français sont enterrés dans un cimetière situé à l’intérieur de la caserne de Bergen-Hohne dans lequel ils reposent parmi des déportés de diverses origines, entre autre d’origine juive. Puisque la loi religieuse interdit de toucher à une tombe juive, les préparatifs de l’exhumation provoquent l’opposition des associations de rescapés juifs de Bergen-Belsen et déclenchent un conflit international opposant également les gouvernements français et allemands. Une commission d’arbitrage décide en 1969 que le transfert de sépultures des déportés français n’aura pas lieu. Par la suite, les représentants de rescapés des différents pays sont consultés en vue d’une nouvelle conception du cimetière. En 1975, le cimetière réaménagé et une nouvelle sculpture composée d’arcs paraboliques, symbole universel de deuil, sont inaugurés.

Pendant le conflit, le Mémorial de Bergen-Belsen est également restructuré. Au début des années 1960, une nouvelle entrée et un réseau de chemins sont aménagés. Les tumulus des fosses communes sont relevés et respectivement entourés d’une enceinte en pierre. A la suite de plaintes de rescapés et d’associations de déportés français, les cendres dispersées près du four crématoire avant la libération sont également couvertes d’un tumulus. Sur l’ensemble du Mémorial, des axes de vue sont déboisés afin d’accentuer les monuments, les charniers et les stèles individuelles à la mémoire des déportés morts à Bergen-Belsen, érigées par leurs proches. Le site ressemble cependant à un parc paysager, et les anciens emplacements des bâtiments du camp restent invisibles.

Sur demande du Land de Basse-Saxe, l’historien Eberhard Kolb réalise une recherche scientifique sur le camp de concentration de Bergen-Belsen. Les résultats de sa recherche, parue en 1962 sous le titre « Bergen-Belsen. Histoire du ‘camp de séjour’ 1943-1945 », donnent lieu à l’élaboration d’une exposition permanente sur les persécutions nationaux-socialistes et le camp de concentration de Bergen-Belsen. A l’entrée du Mémorial, un centre de documentation dans lequel se trouve l’exposition composée de documents, de photos prises à la libération et d’une maquette du camp est ouvert au public en 1966.

Ensuite, les recherches sur Bergen-Belsen s’arrêtent et ne reprennent que dans les années 1980. En vue d’un agrandissement du centre de documentation, le Mémorial est doté d’une équipe de chercheurs en 1987 et, en 1988, de personnel éducatif. En 1990, le centre de documentation agrandi est ouvert au public. En plus d’un lieu de commémoration, le Mémorial de Bergen-Bergen-Belsen devient également un lieu d’apprentissage. Une nouvelle exposition permanente et des manifestations dans une salle de conférence, entre autre un film sur Bergen-Belsen, rendent accessible l’histoire du camp de prisonniers de guerre et du camp de concentration. De plus, le service aux visiteurs propose des visites accompagnées, notamment aux groupes scolaires.

Tandis que la moitié de l’ancien terrain du camp est transformée en Mémorial dès 1945, l’autre moitié est reboisée au fur et à mesure. Mais avant d’être démontés, les baraquements habités par les SS avant la libération sont utilisés pour y héberger des réfugiés allemands entre 1946 et 1953. Seulement dans les années 1990, des associations et organisations de jeunesse commencent à redécouvrir les emplacements des bâtiments sur cette partie du site historique. Lors de fouilles, ils mettent au jour des fondations de bâtiments ainsi que des réservoirs d’eau prévus pour lutter contre les incendies à l’intérieur du camp. Depuis 2007, la partie de l’ancien terrain du camp sur laquelle se trouvent ces ruines est reliée par un « chemin de pierre » au nouveau centre de documentation, bâtiment en béton brut inauguré la même année.

Le Mémorial de Bergen-Belsen de nos jours

Le Mémorial de Bergen-Belsen accueille plus de 250 000 visiteurs par an. Les visiteurs accèdent au Mémorial par une place centrale, devant le nouveau centre de documentation ouvert au public en 2007. De l’autre côté de la place se trouve le bâtiment du centre pédagogique, qui abrite également des expositions temporaires et des manifestations culturelles. Les visiteurs individuels ont la possibilité de s’informer sur l’histoire de Bergen-Belsen en se rendant à l’exposition permanente du centre de documentation. L’exposition permanente du Mémorial de Bergen-Belsen s’attache à retracer l’histoire du camp de prisonniers de guerre, du camp de concentration et du camp de personnes déplacées de Bergen-Belsen.

Le service aux visiteurs du Mémorial propose d’accompagner les groupes, sur réservation. Lors des visites guidées, le personnel du service aux visiteurs aborde l’histoire de ces trois camps différents avant de mettre l’accent spécifiquement sur un des camps ou des aspects particuliers de l’histoire de Bergen-Belsen.

Outre le département d’éducation, le Mémorial dispose d’un département de recherche et de documentation qui est en charge du livre de mémoire de Bergen-Belsen, du recueil de témoignages audiovisuels et de la collection de fonds d’archives. De même, il participe à divers projets de recherche et à l’élaboration d’expositions temporaires et itinérantes.

L’exposition permanente

En plus des documents historiques, l’exposition permanente présente des témoignages, dessins et objets des détenus ainsi que des images photographiées et filmées après la libération. Accompagnées de textes explicatifs, toutes ces pièces d’exposition sont inscrites dans le contexte respectif et mises en valeur en tant que sources à part entière. De cette façon, les médias visuels et audiovisuels prennent une place particulière dans la conception de l’exposition permanente.

C’est au travers des prises de vues de photographes et d’opérateurs britanniques, Bergen-Belsen a façonné l’image générale des camps de concentration nationaux-socialistes dans le monde entier. Les images donnent surtout une impression de l’hécatombe et de l’état des déportés peu de temps après leur libération, mais également une perception générale du camp de concentration. De plus, des stations audiovisuelles permettent de découvrir les témoignages de prisonniers de guerre, de déportés et de personnes déplacées. À la transcription allemande et anglaise du son original, qui rend accessibles des paroles des témoins, s’ajoutent des plaquettes qui donnent des informations biographiques sur chaque personne.

La conception topographique

Une nouvelle conception topographique est actuellement en cours de réalisation sur le terrain de l’ancien camp : La limite extérieure et les limites des sections à l’intérieur du camp ont été déboisées et plantées de gazon, les emplacements des baraques également. Des bornes d’information et des maquettes se trouvent sur la partie du terrain qui n’a pas été transformée en cimetière dans l’immédiat après-guerre. Le peu de ruines accessibles est révélé par des délimitations. De plus, un guide multimédia du site sous forme d’application pour tablettes numériques est disponible. Moyennant la réalité augmentée et virtuelle, le guide permet aux visiteurs de s’orienter sur l’ensemble de l’ancien terrain du camp. A l’aide d’une reconstruction numérique, mais plutôt abstraite, en trois dimensions des bâtiments historiques du camp de concentration, des sources, par exemple des dessins ou des textes de détenus, sont localisés dans l’endroit de leur genèse au camp. De cette façon, à part de la dimension temporelle, la dimension spatiale, particulièrement importante sur le site historique, est d’autant plus présente qu’il n’existe que très peu de ruines de l’époque du camp de concentration de Bergen-Belsen.

Les activités du département d’éducation

Depuis une quinzaine d’années, les activités du département d’éducation au Mémorial de Bergen-Belsen se reflètent dans le nombre croissant de groupes accompagnés par le service aux visiteurs : en 2015, plus de 1 100 groupes ont été accueillis, dont presque dix pour cent venaient de l’étranger. La grande majorité – 765 groupes – était composée d’élèves, mais on compte également 71 groupes de soldats, notamment allemands et britanniques.

Le service aux visiteurs du Mémorial propose des visites guidées et des journées d’études sur réservation. Une visite accompagnée de l’ancien terrain du camp et de l’exposition permanente dure de trois heures à trois heures et demi ; les journées d’étude durent six heures. Le service aux visiteurs propose ces offres en allemand, anglais, français, russe et d’autres langues étrangères. Lorsqu’ils souhaitent participer à une journée d’étude, les groupes peuvent choisir entre différents thèmes. Des informations détaillées sont disponibles en allemand et anglais sur le site internet du Mémorial de Bergen-Belsen. Outre ces offres standard, le département d’éducation du Mémorial de Bergen-Belsen et la fondation Mémoriaux de Basse-Saxe réalisent également d’autres projets, comme des séminaires de plusieurs jours, des rencontres avec des témoins, des rencontres internationales de jeunes et des séminaires de formation de professeurs et d’éducateurs travaillant dans l’encadrement de la jeunesse.

La rampe d’accès du chemin de fer

L’endroit de l’arrivée et du départ des convois de déportation, une rampe d’accès du chemin de fer, se trouvent à une distance de quelques kilomètres du Mémorial, près de la ville de Bergen. Sur le chemin, on traverse le petit village de Belsen et on passe devant la caserne de Bergen-Hohne, endroit où se trouvait le camp de personnes déplacées entre 1945 et 1950. La rampe d’accès est située sur un terrain militaire et les visiteurs sont donc obligés de faire une partie du chemin à pied avant d’arriver près d’un wagon de marchandises restauré. Il s’agit d’un objet historique et d’un monument commémoratif dans le même temps, aménagé par l’association « Arbeitsgemeinschaft (communauté de travail) Bergen-Belsen » qui pratique une citoyenneté active depuis plus de 30 ans. Entre autres, elle organise des commémorations, invite des rescapés et propose des voyages d’étude.